MONICA NARANJO URIBE (CO, 1980)
Période de résidence: mai – juillet 2021
Pendant ma résidence à La Becque, j’ai poursuivi mes recherches à caractère géologique, orientées depuis plusieurs années sur les grottes. Je voulais plus particulièrement me concentrer sur l’expérience physique de l’obscurité et sur la manière dont le manque de visibilité pouvait m’amener à me rapprocher de l’intérieur de la Terre et à y réfléchir d’une manière nouvelle. J’ai choisi le son comme le meilleur moyen d’explorer cette question, ce qui signifiait également explorer des territoires inconnus dans mon propre travail (principalement visuel jusque-là). Cet aspect stimulant faisait également partie de ma motivation personnelle à effectuer cette résidence, pour me rapprocher de quelque chose de nouveau.
J’ai commencé par m’intéresser à la capture des sons que nous ne pouvons percevoir en tant qu’êtres humains, notamment les infrasons, afin de recueillir davantage d’informations sur ces cavités souterraines naturelles sculptées. J’ai visité sept grottes différentes et j’ai eu la chance de faire une expédition de six heures dans une ancienne mine avec un·e spéléologue et un·e géologue. J’ai combiné les sorties sur le terrain avec des visites d’une collection de minéraux et d’un laboratoire à Lausanne, à la recherche de plus d’informations sur les régions que j’explorais d’un point de vue différent : les minéraux et les cristaux formés sous terre.
Après la visite de ces différentes grottes en Suisse, j’ai décidé de me concentrer sur les Grottes de Vallorbe, attirée par l’acoustique particulière de ses formations calcaires. J’ai ajouté une nouvelle couche à mes explorations sonores en créant des sons provenant de différentes sources et en enregistrant comment cet espace particulier les reflétait. Cette expérience entièrement sonore a été révélatrice pour moi et m’a amenée à envisager le son sous de nouvelles perspectives qui influenceront certainement mes travaux futurs et mes réflexions générales sur notre relation à la nature.
En parallèle, j’ai travaillé sur une installation/action spécifique au site, à l’entrée d’une grotte, documentée par une vidéo qui explore l’obscurité en tant qu’entité matérielle. Elle faisait également partie d’une série que j’ai réalisée dernièrement, qui consiste à insérer dans le paysage un élément fictif dont le mouvement évoque les forces géologiques invisibles qui façonnent l’environnement – dans ce cas, l’eau et les rivières invisibles qui ont progressivement sculpté la pierre au fil du temps. Le titre « El Aliento de una cueva » (Le souffle d’une grotte) provient d’un moyen très simple par lequel de nombreuses grottes cachées ont été découvertes au fil du temps, à savoir la perception d’un courant d’air froid sortant d’une paroi rocheuse. — Mónica Naranjo Uribe
La pratique artistique de Mónica Naranjo Uribe s’articule autour de l’exploration intime et physique de territoires qu’elle associe à la recherche scientifique, en cherchant un moyen de relier l’invisible à notre échelle et à nos perceptions humaines. Elle s’intéresse à la manière dont la fiction devient un moyen de pénétrer l’inaccessible et, paradoxalement, de nous permettre de nous connecter à l’environnement naturel de manière plus profonde. Elle a centré ses recherches sur les processus géologiques, pour comprendre les territoires à partir de leur comportement physique et les reconnaître comme des êtres vivants.