Ignacio Acosta (CL, 1976)
Période de résidence: janvier – mai 2020
Inspirée de la découverte d’un site de sacrifice celte au Mormont — une carrière de calcaire et de marne située dans le canton de Vaud en Suisse —, l’installation vidéo à deux canaux avec son surround Archaeology of Sacrifice dévoile comment la notion de sacrifice a évolué depuis d’anciens rituels sacrés jusqu’à sa signification contemporaine au sein du capitalisme extractif. Les faits donnent à penser que les Celtes qui y vivaient au deuxième siècle avant Jésus-Christ traversaient un moment de crise, peut-être lié à l’invasion germanique. Ainsi, ils ont enterré des offrandes, dont des corps humains et des animaux, des outils et des récipients en bronze, en échange desquels ils espéraient pouvoir survivre à la catastrophe.
Aujourd’hui, le sacrifice passe par les échanges commerciaux : le bien-être des humains, des non-humains et de l’environnement a été trahi au profit de la croissance économique. Les zones de sacrifice prolifèrent dans les régions jugées les plus extractibles, les plus exploitables, généralement des régions soumises à la pression des politiques néolibérales. Dans ces régions, on pense que l’humanité et la nature peuvent être sacrifiés et remplacés.
Les objets mis à jour au Mormont aident les archéologues à recomposer un passé, même si les Celtes ne s’attendaient probablement pas à ce que ces vestiges soient découverts. En archéologie, la formulation des croyances du passé implique une navigation délicate entre fiction et réalité dans laquelle les lignes sont toujours floues. La reconstruction est toujours une représentation. Le projet s’appuie sur cette zone d’ombre dans notre propre période de crise, en poussant à une compréhension plus terrestre de la cohabitation prospective, tout en offrant un espace de réflexion pour un avenir inconnu.
Dans un jeu continu entre faits, fiction et échelle, des paysages méditatifs de régions typiquement inaccessibles sont juxtaposés à des images d’archives, des prises de vues de drones, des gros plans d’investigation et des modélisations 3D basées sur la photogrammétrie. Tout en reconnaissant que l’anthropocène est construit sur l’effacement de ses origines raciales, Archaeology of Sacrifice propose une réflexion sur la précarité de notre planète et sa soumission involontaire à l’humanité.
Basé à Londres, Ignacio Acosta explore, par le biais de la photographie et la vidéo, la dynamique des pouvoirs géopolitiques en lien avec l’exploitation des ressources naturelles. Étroitement liés, ses projets en Amérique du Sud et en Scandinavie impliquent une documentation et un travail de terrain approfondis, ainsi qu’un effort d’analyse et de rédaction critique. Grâce aux nouvelles technologies de l’image, il construit des récits visuels sur les écosystèmes éprouvés par l’extraction minière, et plus particulièrement sur les mouvements activistes à son encontre.
Texte: Ellen Lapper et Ignacio Acosta
Rendus 3D: Valle Medina et Benjamin Reynolds (Pa.LaC.e)
Extrait de film: Le crépuscule des Celtes by Stéphane Goël, Climage, 2007
Publication: Acosta I. (2020) Archaeology of Sacrifice, ZF Art Foundation Friedrichshafen AG and modo Verlag GmbH. Freiburg Germany. Photo by Hubert & Fisher 2021