Charlie Malgat (FR, 1990)
Période de résidence : mars-avril 2024
À la Becque, j’ai eu la chance de dédier tout mon temps au montage et à la création sonore de ma nouvelle vidéo « Putris ». Cette courte fiction muette fait resurgir dans mon travail la figure humaine qui avait disparu depuis plusieurs années. « Putris » est une héroïne cartoonesque, à la fois macabre et attachante. Tout en chair, elle revêt un masque qui décompose les traits de son visage. Elle fait apparaître la mort dans le vivant. Avec ce personnage, je cherche à créer un trouble dans l’incarnation, à figurer un état de déliquescence. C’est une façon de rendre visible ce qui est d’habitude oblitéré. Comme un jeu d’enfant absurde, la mimèsis donne lieu à une expérience charnelle. Ayant récemment vécu un deuil, j’ai voulu comprendre pourquoi mon imaginaire autour de la mort était si abstrait, et pourquoi je manquais tant de représentations et de connaissances.
L’environnement privilégié de la Becque m’a permis d’accéder au calme et à la concentration. Ce cadre serein a été un moment d’apaisement dans lequel j’ai pu me plonger dans des recherches à la fois scientifiques et spirituelles autour de la mort et de ses vanités. Le spectacle du printemps a, quant à lui, rendu propice la création visuelle et musicale. Grâce à la venue du musicien Nelson Beer, nous avons composé le paysage sonore autour de mon personnage « Putris ». Et avec mon ami artiste Arnaud Dezoteux nous avons terminé les effets spéciaux et la postproduction de la vidéo.
Ce travail a été ensuite présenté au sein d’une plus large installation sculpturale « Double Paysage » au Musée des Beaux-Arts de Lausanne (MCBA), dans l’exposition collective « Surréalisme, Le Grand Jeu » curatée par Pierre-Henri Foulon et Juri Steiner. — Charlie Malgat
Invitée à La Becque dans le cadre d’une résidence avec Plateforme 10, Charlie Malgat est une artiste française, qui vit et travaille à Paris, dont la pratique emprunte des éléments à la pop culture et évolue continuellement entre plusieurs médiums : la vidéo, la sculpture, l’installation multimédia, le dessin et la peinture. Après des études aux Beaux-Arts de Paris puis au Columbia College de Chicago, Charlie commence à utiliser le latex comme matériau de prédilection, notamment à cause de sa dimension alléchante, sensuelle et charnelle. Avant de leur donner vie dans des films d’animation, les sculptures de Charlie Malgat sont pensées comme des lieux de récréation, comme des êtres inertes destinés à être caressés, manipulés, malmenés ou même déchirés. Derrière leur aspect kid-friendly, ses œuvres manifestent en réalité un monde au bord du débord, pris de spasmes, effleurant l’agonie. Situées au bout de la chaîne de production capitaliste, elles exposent les dérives du “système digestif mondial” et ses soubassements pulsionnels.
Charlie Malgat, La Becque, 2024, photo Matthieu Croizier
Charlie Malgat, La Becque, 2024, photo Aurélien Haslebacher
Charlie Malgat, Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, 2024, photo Etienne Malapert & Jonas Hänggi