ALY KHAMEES (EG)
Période de résidence : Octobre – Décembre 2020
En raison des restrictions et des fermetures liées à la crise sanitaire, j’ai fini par passer les premiers mois de ma résidence à La Becque à poursuivre les recherches que j’avais entamées l’année dernière, initialement pour améliorer mes performances. À cette fin, j’ai acquis de nouvelles compétences, acheté du matériel et commencé à filmer mes propres répétitions pour suivre mon évolution, identifier mes faiblesses et améliorer ma technique et mon style d’interprétation. J’ai également appris et expérimenté avec des techniques de montage vidéo pour monter mes propres clips. Au cours du deuxième mois, j’ai commencé à visiter le studio du Théâtre de L’Octogone, où j’ai rencontré l’équipe et mon mentor, Marco Cantalupo, qui m’a beaucoup soutenu et m’a donné beaucoup d’informations sur la scène de la danse en Suisse ainsi que de nombreux retours constructifs sur mon travail.
La deuxième partie de ma résidence s’est concentrée sur le cœur de ma recherche, qui a débuté en Égypte. À l’époque, j’avais tourné une série d’entretiens vidéo avec des personnes condamnées pour crime, appelées « Mosagaleen Khatar » en arabe, ce qui signifie littéralement « enregistrés comme dangereux ».
J’ai ensuite envisagé de réaliser un documentaire de danse sur le même sujet, après avoir créé une performance. Je voulais montrer les conditions difficiles dans lesquelles ces personnes évoluent : comment vivent-elles après la prison ? Comment parlent-elles ? J’étais particulièrement intéressé par la façon dont ces personnes dansent/incarnent la stigmatisation sociale qu’elles portent au quotidien et les confréries qu’elles ont pu former pour se protéger elles-mêmes et les unes les autres. J’ai intitulé ce projet, ou cette performance, « Naslah », en référence à un type de petit couteau souvent utilisé dans les bidonvilles égyptiens pour la danse ou la bagarre. Il est également lié à mon propre style de danse, que j’appelle « Bullet & Knife » et qui explore et reflète un style de danse de rue des bidonvilles.
En évoluant en tant qu’artiste, en vivant et en voyageant dans le monde entier, je me suis rendu compte de l’importance de créer des liens avec mes racines et le quartier où j’ai grandi et de me réapproprier mon héritage afin de combler le fossé qui me sépare de l’endroit où je veux aller. Je suis égyptien, je me considère comme un artiste de scène, non pas un danseur ; je ne me contente pas de danser… J’essaie toujours de créer un état d’esprit ; j’utilise la danse pour transmettre un message ou une information. J’aimerais que mes spectacles soient vus et partagés par des gens ordinaires, pas seulement par des artistes et des organisations artistiques. Les vrais moments de bonheur pour moi sont ceux où je reçois des messages inattendus sur Instagram de personnes qui me posent des questions sur mes prochaines dates de spectacles ou sur une technique que j’utilise, qui m’encouragent ou font l’éloge de mon travail. Je cherche toujours à créer quelque chose qui soit proche de mes racines et de l’endroit d’où je viens.
Les gens de La Becque étaient très sympathiques et l’équipe s’est montrée formidable. L’équipe et le directeur du Théâtre de l’Octogone m’ont également apporté beaucoup de soutien. En fonction de la situation sanitaire, j’aimerais beaucoup me produire à Zurich en février 2021.
Aly Khamees (né en 1986) est un chorégraphe, danseur et acteur originaire du Caire. Passionné de danse depuis son plus jeune âge, il rejoint plusieurs troupes de théâtre de rue au Caire, à Alexandrie et à Al-Minya qui lui permettront d’établir un contact direct et d’interagir avec un public. Plus tard, désireux d’approfondir ses connaissances dans le domaine, Khamees s’inscrit à un programme de danse contemporaine au Studio Emad Eddin sous la supervision de Laurence Rondoni où il développe un grand intérêt pour le théâtre physique et commence à danser dans les œuvres de Mohamed Shafik qui l’initie à sa technique « Monkey Fish ».