FRANCISCO NAVARRETE SITJA (CL, 1987)
Période de résidence: juillet-septembre 2019
Ce projet artistique explore l’un des concepts les plus provocateurs dans la configuration d’imaginaires socio-territoriaux, à savoir la duplication de scénarios paysagers au Chili : le concept de « Suisse chilienne » ou de « Suisse du Chili ».
Cette dénomination a été utilisée pour redéfinir le territoire araucanien (la jungle araucanienne) ainsi que pour souligner les limites de ce territoire et cacher la culture mapuche dans la région des lacs. Cette dénomination – articulée par le gouvernement chilien pour servir ses propres intérêts – a ainsi servi à redéfinir la région ainsi que sa mémoire collective.
Le concept reposait sur la notion de « nature vierge », bien que « civilisée » et « moderne », qui était propagée par le biais de diverses représentations graphiques et littéraires. Dans ce sens, au travers de cette homologation de « paysage suisse » des lacs et des montagnes du sud du Chili, je me suis demandé quel était l’impact de cette dénomination et comment elle contribuait à « nationaliser la nature » dans l’imaginaire national et à « naturaliser l’idée de nation » dans une perspective européanisante.
En alliant travail de terrain, images en mouvement, travail graphique et sons, j’ai pu explorer et faire l’expérience du paysage alpin. Dans ce sens, j’ai travaillé avec des matérialités du lac Léman (bois flotté, reflets sur l’eau, roches extraites, le brouillard et les nuages), explorant ces éléments non-humains qui coexistent et qui m’ont offert d’autres possibles, d’autres bifurcations, afin de réfléchir aux stéréotypes des paysages et à l’analogie entre la géographie chilienne et celle de la Suisse.
Après avoir obtenu son Bachelor et Master en Arts Visuels à l’Université du Chili, Francisco Navarrete Sitja a commencé à exposer, individuellement ou collectivement, ses œuvres dans de nombreux pays. La pratique artistique de Navarrete repose sur la contemplation, la temporalité et la subjectivité de l’image et de la représentation du territoire. Ainsi, en superposant la réalité et la fiction, le matériel et l’immatériel, le local et le global, il spécule sur certains récits associés à la construction et à la performativité de la vue du paysage ; il interpelle la dimension symbolique de certaines expressions matérielles de certains contextes, permettant de nouveaux horizons de sens ; il aborde divers dispositifs techniques comme éléments configurant notre façon de voir, de comprendre et de nous situer dans le monde.